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Des scandales à la pelle

Lun 11 Aoû - 20:41 par Sam

Les informations ont été supprimés, il fallait les trouver pendant l'épreuve

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Actualite d'Oran

Sam 4 Nov - 19:02 par moe

Des habitants d’Es-Sénia dénoncent les pratiques des transporteurs



De nombreux habitants de la cité Commandant Cherif Yahia (ex-200 logements) d’Es-Sénia ont dû attendre, dans la matinée d’hier, plus d’une heure au niveau des différents arrêts de bus, pour enfin pouvoir rejoindre leurs …

Commentaires: 19

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Ven 17 Nov - 2:00 par moe

Voici l'info la plus PTDR que j'ai lu cette semaine.

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Les Bienveillantes

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Message par humana Mar 7 Nov - 23:40

Lundi était remis le très attendu prix Goncourt et le gagnant est... Les Bienveillantes de Jonathan Littell.


Un Prix Goncourt controversé.

Le roman de Jonathan Littell Les Bienveillantes, à peine sacré du Prix Goncourt par l’Académie Française, suscite déjà la polémique. Le livre prend le parti pris d’un récit intime autour de la vie d’un responsable nazi.

Le sujet de ce roman était inévitablement appelé à éveiller des controverses. Peut-on décemment raconter, à la première personne, les faits et gestes d’un bourreau nazi ? Est–il légitime que la fiction littéraire puisse s’emparer d’une réalité historique aussi douloureuse que celle de la barbarie allemande pendant la seconde Guerre Mondiale ?

Ces questions ne peuvent qu’interpeller tous ceux, et pas seulement les juifs, qui jugent que l’innommable ne peut être humanisé. Certains argueront que la fiction, même celle qui dérange, possède une supériorité sur la froide analyse historique.

Qu’en est-il exactement de ce roman Les Bienveillantes ? Le livre ne propose rien de moins que l’accompagnement de son personnage, un bourreau nazi, de bout en bout de la guerre.

Claude Lanzmann, l’auteur du fabuleux documentaire Shoah, a d’ailleurs été l’une des premières voix à se faire entendre et à exprimer son indignation. En serait-on arrivé à l’ère du bourreau ? Après celle, maintenant désuète, de la victime, et d’une certaine saturation de son récit ?

Tout se passe comme si une certaine lassitude à raconter les douleurs des victimes devait laisser place à des récits plus accrocheurs car plus fascinants. Se placer de l’autre côté du miroir, voilà la nouveauté.

Les polémiques tournent donc autour de l’accusation de voyeurisme. Le succès public du roman en atteste. Il y a l’œuvre dans Les Bienveillantes ce mystère : pourquoi raconter l’ascension d’un tortionnaire nazi, à quelles fins ? L’auteur l’explique comme il peut, expliquant la tentation de vouloir comprendre l’inhumanité. Il y a dans ce roman comme un symptôme révélateur des valeurs actuelles. Il nous parait logique, tristement logique, qu’une telle approche du Mal puisse remporter un tel succès. Car il y a, en France surtout, une justification - fascination du mal. Ce sentiment a commencé avec l’acceptation complaisante du terrorisme palestinien, jusqu’à la compréhension des ignobles attentats de New York, Londres, Madrid ou autres, en passant par les constantes banalisations des violentes émeutes en France. Avec la constante affirmation : si de tels actes sont commis, c’est forcément parce que le désespoir n’offre plus aucune autre alternative. Pas étonnant dès lors qu’un tel roman, que la morale ou la pudeur aurait normalement et à priori écarté au motif de l’argument suivant : comprendre le Mal (absolu s’entend) ne m’intéresse pas, car sa compréhension est souvent le début de sa justification. Il s’agit plutôt de rejoindre l’aspiration juive, mise en exergue par la Tradition hassidique, qui affirme, dans les Psaumes du roi David : « éloigne toi du mal, et fais le Bien » est à comprendre ainsi : ne t’attarde pas sur le mal et ses manifestations, ne t’y intéresse pas, mais concentre toi et attache toi au bien et à sa quête. Car comme le rappelle l’adage hassidique : un peu de lumière repousse l’obscurité.

Il y a donc quelque chose de malsain dans la société française, une certaine attirance vers des valeurs dangereuses.

Les Bienveillantes a ainsi, par bien des aspects, des relents malveillants.



Récapitulatif des Prix littéraires 2006 :

Goncourt 2006 à Jonathan Littell pour "Les bienveillantes"
Prix Renaudot à Alain Mabanckou pour "Mémoires de porc-épic"
Le Renaudot Essais à Pierre Boncenne pour "Pour Jean-François Revel"
Prix Femina à Nancy Huston avec "Lignes de faille"
Prix Femina 2006 étranger à Nuala O'Faolain pour "L'histoire de Chicago May"
Prix Médicis du roman à Sorj Chalandon primé pour "Une promesse"
Prix Médicis 2006 étranger à Norman Manea pour "Le retour du hooligan: une vie"
Prix Médicis 2006 essais à Jean-Bertrand Pontalis pour "Frère du précédent"


Reste plus qu'à lire... Smile
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Message par FatGirl Mer 8 Nov - 0:04

Trés intéressant, merci Humana
Dis moi n'y a t il pas un lien pour avoir au moins quelques extraits ? Je suis bien curieuse de lire la méchanceté récompensée...
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Message par moe Mer 8 Nov - 0:35

Tres interessante cette approche, il ne faut pas attendre un monde meilleur de la part des humains, le mot "inhumain" est incorrect, faut et inutile, l'humain n'en est pas un s'il ne fait pas du mal a son prochain pour sa survie et sa domminance, la religion et la science sont d'accord sur ce point la, maintenant si on continue de voir le monde du point de vue occidental (les allies depuis 1945) on ne fera que repetter l'histoire, mais avec de nouvelles methodes d'auto-destruction, le genre humain n'est pas aussi inteligent qu'on le pense, mais sinon pourquoi somme nous arriver a faire la propagande d'un livre recite la vie privee d'un bourreau ? soit on reconnait qu'il y'a une poignee de gens qui doivent regner sur le monde, et diriger toutes les populations, ce qui ne contredit absolument pas le nazisme, soit on laisse n'importe qui guider n'importe quel groupe de gens, et ainsi nous forcer a lier des liens et a apprendre a connaitre les gens qu'on juge nous meme satanistes et "inhumains"...

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Les Bienveillantes Empty Re: Les Bienveillantes

Message par humana Mer 8 Nov - 20:41

n'y a t il pas un lien pour avoir au moins quelques extraits ?

> Début du livre Les Bienveillantes de Jonathan Littell.

Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s'est passé. On n'est pas votre frère, rétorquerez-vous, et on ne veut pas le savoir. Et c'est bien vrai qu'il s'agit d'une sombre histoire, mais édifiante aussi, un véritable conte moral, je vous l'assure. Ça risque d'être un peu long, après tout il s'est passé beaucoup de choses, mais si ça se trouve vous n'êtes pas trop pressés, avec un peu de chance vous avez le temps. Et puis ça vous concerne: vous verrez bien que ça vous concerne. Ne pensez pas que je cherche à vous convaincre de quoi que ce soit; après tout, vos opinions vous regardent. Si je me suis résolu à écrire, après toutes ces années, c'est pour mettre les choses au point pour moi-même, pas pour vous. Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire? Le suicide, bien entendu, reste une option. Mais à vrai dire, le suicide me tente peu. J'y ai, cela va de soi, longuement songé; et si je devais y avoir recours, voici comment je m'y prendrais: je placerais une grenade tout contre mon cœur et partirais dans un vif éclat de joie. Une petite grenade ronde que je dégoupillerais avec délicatesse avant de lâcher la cuiller, en souriant au petit bruit métallique du ressort, le dernier que j'entendrais, à part les battements de mon cœur dans mes oreilles. Et puis le bonheur enfin, ou en tout cas la paix, et les murs de mon bureau décorés de lambeaux. Aux femmes de ménage de nettoyer, elles sont payées pour ça, tant pis pour elles. Mais comme je l'ai dit le suicide ne me tente pas. Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs, un vieux fond de morale philosophique peut-être, qui me fait dire qu'après tout on n'est pas là pour s'amuser. Pour faire quoi, alors? Je n'en ai pas idée, pour durer, sans doute, pour tuer le temps avant qu'il ne vous tue. Et dans ce cas, comme occupation, aux heures perdues, écrire en vaut bien une autre. Non que j'aie tant d'heures que ça à perdre, je suis un homme occupé; j'ai ce qu'on appelle une famille, un travail, des responsabilités donc, tout cela prend du temps, ça n'en laisse pas beaucoup pour raconter ses souvenirs. D'autant que des souvenirs, j'en ai, et une quantité considérable même. Je suis une véritable usine à souvenirs. J'aurai passé ma vie à me manufacturer des souvenirs, même si l'on me paye plutôt, maintenant, pour manufacturer de la dentelle. En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce n'est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme discret; grâce à Dieu, je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification, car je n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien ma vie comme ça. Une fois, j'étais en Allemagne, en voyage d'affaires, je discutais avec le directeur d'une grande maison de sous-vêtements, à qui je voulais vendre de la dentelle. Je lui avais été recommandé par d'anciens amis; ainsi, sans poser de questions, nous savions tous les deux à quoi nous en tenir, l'un envers l'autre. Après notre entretien, qui s'était d'ailleurs déroulé de manière fort positive, il se leva pour tirer un volume de sa bibliothèque et me l'offrit. Il s'agissait des Mémoires posthumes de Hans Frank, le General-Gouverneur de Pologne; cela s'intitulait Face à l'échafaud. «J'ai reçu une lettre de sa veuve, m'expliqua mon interlocuteur. Elle a fait éditer le manuscrit, qu'il a rédigé après son procès, à ses propres frais, et elle vend le livre pour subvenir aux besoins de ses enfants. Vous vous imaginez, en arriver là? La veuve du General-Gouverneur. Je lui en ai commandé vingt exemplaires, pour les offrir. J'ai aussi proposé à tous mes chefs de départements d'en acheter un. Elle m'a écrit une émouvante lettre de remerciements. Vous l'avez connu?» Je lui assurai que non, mais que je lirais le livre avec intérêt. En fait si, je l'avais brièvement croisé, je vous le raconterai peut-être plus tard, si j'en ai le courage ou la patience. Mais là, ça n'aurait eu aucun sens d'en parler. Le livre, d'ailleurs, était fort mauvais, confus, geignard, baigné d'une curieuse hypocrisie religieuse. Ces notes-ci seront peut-être confuses et mauvaises aussi, mais je ferai de mon mieux pour rester clair; je peux vous assurer qu'au moins elles demeureront libres de toute contrition. Je ne regrette rien: j'ai fait mon travail, voilà tout; quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi, elles ne concernent que moi; et pour le reste, vers la fin, j'ai sans doute forcé la limite, mais là je n'étais plus tout à fait moi-même, je vacillais et d'ailleurs autour de moi le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête, reconnaissez-le. Et puis, je n'écris pas pour nourrir ma veuve et mes enfants, moi, je suis tout à fait capable de subvenir à leurs besoins. Non, si j'ai enfin décidé d'écrire, c'est bien sans doute pour passer le temps, et aussi, c'est possible, pour éclaircir un ou deux points obscurs, pour vous peut-être et pour moi-même. En outre je pense que cela me fera du bien. C'est vrai que mon humeur est plutôt terne. La constipation, sans doute. Problème navrant et douloureux, d'ailleurs nouveau pour moi; autrefois, c'était bien le contraire. Longtemps, j'ai dû passer aux cabinets trois, quatre fois par jour; maintenant, une fois par semaine serait un bonheur. J'en suis réduit à des lavements, procédure désagréable au possible, mais efficace. Pardonnez-moi de vous entretenir de détails aussi scabreux: j'ai bien le droit de me plaindre un peu. Et puis si vous ne supportez pas ça vous feriez mieux de vous arrêter ici. Je ne suis pas Hans Frank, moi, je n'aime pas les façons. Je veux être précis, dans la mesure de mes moyens. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l'air, le manger, le boire et l'excrétion, et la recherche de la vérité. Le reste est facultatif.

Il y a quelque temps, ma femme a ramené à la maison un chat noir, pensant sans doute me faire plaisir. Bien entendu elle ne m'avait pas demandé mon avis. Elle devait se douter que j'aurais refusé net, le fait accompli était plus sûr. Et une fois là, rien à faire, les petits-enfants pleureraient, etc. Pourtant ce chat était fort désagréable. Quand je tentais de le caresser, pour faire preuve de bonne volonté, il filait s'asseoir sur le rebord de la fenêtre et me fixait de ses yeux jaunes; si je cherchais à le prendre dans mes bras, il me griffait. La nuit, au contraire, il venait se coucher en boule sur ma poitrine, une masse étouffante, et dans mon sommeil je rêvais que l'on m'asphyxiait sous un tas de pierres. Avec mes souvenirs, ç'a été un peu pareil. La première fois que je me décidai à les consigner par écrit, je pris un congé. Ce fut probablement une erreur. Les choses pourtant étaient en bonne voie: j'avais acheté et lu une quantité considérable de livres sur le sujet, afin de me rafraîchir la mémoire, j'avais tracé des tables d'organisation, établi des chronologies détaillées, et ainsi de suite. Mais avec ce congé j'avais tout à coup du temps et je me mis à penser. De plus c'était l'automne, une sale pluie grise dénudait les arbres, je sombrai lentement dans l'angoisse. Je m'aperçus que penser, ce n'est pas une bonne chose.

J'aurais pu m'en douter. Mes collègues me considèrent comme un homme calme, posé, réfléchi. Calme, certes; mais très souvent dans la journée ma tête se met à rugir, sourdement comme un four crématoire. Je parle, je discute, je prends des décisions, comme tout le monde; mais au comptoir, devant ma fine, je m'imagine qu'un homme entre avec un fusil de chasse et ouvre le feu; au cinéma ou au théâtre, je me figure une grenade dégoupillée roulant sous les rangées de sièges; sur la place publique, un jour de fête, je vois la déflagration d'un véhicule bourré d'explosifs, la liesse de l'après-midi transformée en carnage, le sang ruisselant entre les pavés, les paquets de chair collés aux murs ou projetés à travers les croisées pour atterrir dans la soupe dominicale, j'entends les cris, les gémissements des gens aux membres arrachés comme les pattes d'un insecte par un petit garçon curieux, l'hébétude des survivants, un silence étrange comme plaqué sur les tympans, le début de la longue peur. Calme? Oui, je reste calme, quoi qu'il advienne, je ne donne rien à voir, je demeure tranquille, impassible, comme les façades muettes des villes sinistrées, comme les petits vieux sur les bancs des parcs avec leurs cannes et leurs médailles, comme les visages à fleur d'eau des noyés qu'on ne retrouve jamais. Rompre ce calme effroyable, j'en serais bien incapable, même si je le voulais. Je ne suis pas de ceux qui font un scandale pour un oui ou pour un non, je sais me tenir. Pourtant cela me pèse à moi aussi. Le pire n'est pas forcément ces images que je viens de décrire; des fantaisies comme celles-ci m'habitent depuis longtemps, depuis mon enfance sans doute, en tout cas depuis bien avant que je ne me sois moi aussi retrouvé au cœur de l'équarrissoir. La guerre, en ce sens, n'a été qu'une confirmation, et je me suis habitué à ces petits scénarios, je les prends comme un commentaire pertinent sur la vanité des choses. Non, ce qui s'est révélé pénible, pesant, ç'a été de ne s'occuper qu'à penser. Songez-y: vous-même, à quoi pensez-vous, au cours d'une journée? A très peu de chose, en fait. Etablir une classification raisonnée de vos pensées courantes serait chose aisée: pensées pratiques ou mécaniques, planifications des gestes et du temps (exemple: mettre l'eau du café à bouillir avant de se brosser les dents, mais les tartines à griller après, parce qu'elles sont prêtes plus vite); préoccupations de travail; soucis financiers; problèmes domestiques; rêveries sexuelles. Je vous épargnerai les détails. Au dîner, vous contemplez le visage vieillissant de votre femme, tellement moins excitante que votre maîtresse, mais autrement bien sous tous rapports, que faire, c'est la vie, donc vous parlez de la dernière crise ministérielle. En fait vous vous contrefoutez de la dernière crise ministérielle, mais de quoi d'autre parler? Eliminez ce type de pensées, et vous conviendrez avec moi qu'il ne reste plus grand-chose. Il y a bien entendu des moments autres. Inattendu entre deux réclames pour poudre à lessiver, un tango d'avant-guerre, Violetta disons, et voilà que resurgissent le clapotis nocturne du fleuve, les lampions de la buvette, la légère odeur de sueur sur la peau d'une femme joyeuse; à l'entrée d'un parc, le visage souriant d'un enfant vous ramène celui de votre fils, juste avant qu'il ne se mette à marcher; dans la rue, un rayon de soleil perce les nuages et illumine les grandes feuilles, le tronc blanchâtre d'un platane: et vous songez brusquement à votre enfance, à la cour de récréation de l'école où vous jouiez à la guerre en hurlant de terreur et de bonheur. Vous venez d'avoir une pensée humaine. Mais c'est bien rare.

Or si l'on suspend le travail, les activités banales, l'agitation de tous les jours, pour se donner avec sérieux à une pensée, il en va tout autrement. Bientôt les choses remontent, en vagues lourdes et noires. La nuit, les rêves se désarticulent, se déploient, prolifèrent, et au réveil laissent une fine couche âcre et humide dans la tête, qui met longtemps à se dissoudre. Pas de malentendu: ce n'est pas de culpabilité, de remords qu'il s'agit ici. Cela aussi existe, sans doute, je ne veux pas le nier, mais je pense que les choses sont autrement complexes. Même un homme qui n'a pas fait la guerre, qui n'a pas eu à tuer, subira ce dont je parle. Reviennent les petites méchancetés, la lâcheté, la fausseté, les mesquineries dont tout homme est affligé. Peu étonnant alors que les hommes aient inventé le travail, l'alcool, les bavardages stériles. Peu étonnant que la télévision ait tant de succès. Bref, je mis vite fin à mon malencontreux congé, cela valait mieux. J'avais bien assez de temps, à l'heure du déjeuner ou le soir après le départ des secrétaires, pour griffonner.
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Message par humana Mer 8 Nov - 21:05

Le livre me tente, j'ai bien envie de me faire ma propre idée sur le sujet mais 900 pages ça demande reflexion quand même. Smile Je suis déjà pas capable de finir GFT...

Concernant la polémique autour du livre, je suis de ceux qui sont pour la liberté d'expression. Du moment qu'on nous met pas le couteau sous la george et qu'on a donc le choix de lire le livre ou de ne pas le lire.
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Message par FatGirl Ven 10 Nov - 15:58

Merci pour l'extrait Humana!
L'auteur a su maintenir mon attention jusqu'à la fin, mais j'ai commencé à lire avec des préjugés (je ne l'ai pas fait exprés Embarassed ).
Je suis tentée de lire la suite, mais ce style d'écriture me fatigue déjà. Je risque de mettre beaucoup de temps avant de le finir si j'arrive à me le procurer.
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Message par moe Sam 18 Nov - 17:15

Moi qui n'est pas fan de la lecture je trouve ce passage sublime, autre fois gosses je lisais beaucoup...en lisant ce passage je me suis rappele des livres que j'ai lu autre fois.

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Message par Sam Sam 18 Nov - 18:23

On peut savoir pourquoi le livre s'appelle "les bienveillantes" ?
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Message par humana Sam 18 Nov - 18:50

Le titre Les Bienveillantes renvoie à la mythologie grecque. Les Érinyes, ou Euménides, sont des « déesses persécutrices, vengeresses, hideuses », des Furies qui « sont appelées par euphémisme, et par crainte de prononcer leur nom véritable, "les Bienveillantes" ».

C'est la seule info que j'ai trouvé là dessus et ça vient du "dico" wikipedia.
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Message par moe Sam 18 Nov - 19:22

Voila ! ca m'interesse beaucoup maintenant, j'aimerai pouvoir avoir une copie de cette oeuvre.

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Message par humana Dim 3 Déc - 20:17

Je poursuis dans mes prix littéraires, promis après c'est fini (normalement).

En début de semaine était décerné le Prix Goncourt Lycéen. La différence avec le Prix Goncourt tout court est qu'ici le jury est composé de 60 classes et de 2000 adolescents.

La gagnante est Léonora Miano pour Contours du jour qui vient.

Résumé :
Après la guerre qui a ravagé le Mboasu, cet état imaginaire et ô combien réel d'Afrique, le pays est exsangue. Les parents, incapables de prendre soin de leurs enfants, les chassent loin de chez eux, les accusant d'être la cause de leurs malheurs. Décidée à retrouver sa mère, la jeune Musango traverse un pays frappé de folie. Des rivages du fleuve Tubé aux bas-fonds de Sombé, métropole d'Afrique en proie à l'anarchie, Musango retrouvera-t-elle cette mère, symbole d'une Afrique à la dérive ? Sa rencontre avec le petit Mbalè, marquera-t-elle les prémices d'un jour nouveau pour tout un continent ?


Et voilà un court extrait, le seul que j'ai trouvé sur internet.

"Il n'est que des ombres alentour, c'est à toi que je pense. Non pas qu'il fasse nuit, et que les vivants aient soudain épousé les couleurs du moment. Il aurait pu en être ainsi, si le temps prenait encore la peine de se fractionner en intervalles réguliers. [...] Mais le temps lui-même s'est lassé de ce découpage. Le temps a bien vu comme nous toutes, comme moi, que pareil décompte ne faisait pas sens. Pas ici où nous sommes. Qu'il y ait un matin ou qu'il y ait une nuit, tout est semblable. Il n'est plus que des ombres alentour, je suis l'une d'elles, et c'est à toi que je pense. La dernière fois que nous nous sommes vues, tu m'avais attachée sur mon lit. Tu m'avais rossée de toutes tes forces avant de convoquer nos voisins, afin qu'ils voient ce que tu comptais faire de cet esprit malin qui vivait sous ton toit et se disait ta fille. Ils attendaient déjà sur le pas de la porte, attirés par mes cris. Ce n'était pas pour me porter secours qu'ils étaient là. Ils ne venaient jamais en aide à quiconque, se contentant de faire des commentaires en attendant les pompiers, la police, une ambulance, cependant qu'une femme battue ou un accidenté de la route se vidait de son sang."
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Message par FatGirl Dim 3 Déc - 23:41

Waw j'adore l'extrait !
Merci Humana !
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